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L’absence de guerre

© Marjolaine Moulin

Texte David Hare, traduction Dominique Hollier, mise en scène Aurélie Van Den Daele, Compagnie Deug Doen Group, Théâtre de l’Aquarium/La Cartoucherie.

L’action se passe au Royaume-Uni. Le parti travailliste, parti d’opposition, est en campagne électorale et son leader, Georges Jones, sur la dernière ligne droite, figure au plus haut dans les sondages. Il a l’arrogance du rôle. Toutes les chances sont de son côté, dit-on. Entouré de son QG de campagne, hautement chargé de communication, il déploie des stratégies méphistophéliques pour achever la tâche et attirer les électeurs. La pièce nous place au cœur du combat politique, dans les coulisses de l’exploit visé, et des dérives morales et politiques qui vont avec. La moulinette de la communication est permanente et le paraître est roi.

Beaucoup d’excitation sur le plateau dès le départ, beaucoup de démonstration. Tous les atouts sont sur la table tels que séduction, conviction, organisation, obsession. Puis le vent tourne, sous couvert de guerres intestines, et s’amorcent les déresponsabilisation, trahison, compromission et corruption. Joker ! Suite au débat télévisé raté du candidat Georges Jones contre son adversaire conservateur, Charles Kendrick, les derniers idéaux et faux-semblants s’écroulent, avec le candidat. Et le staff se délite. De cette Absence de guerre entre les deux leaders naît la pièce.

Auteur, metteur en scène et réalisateur britannique bien connu dans son pays, David Hare, auteur de la pièce, qu’il écrit en 1993 à partir d’un fait réel qu’il a lui-même traversé, a pour terrain d’écriture les excès du capitalisme et du politique. Observateur du monde dans lequel il vit, il se positionne à gauche et témoigne, sur un mode réaliste. Il est de la génération qui succède aux dramaturges John Osborne et Arnold Wesker, monte ses propres pièces à partir des années 70 puis développe son travail dans les théâtres nationaux. Il écrit aussi des scénarios et a créé dans les années 80, une maison de production.

Dans le travail de mise en scène proposé par Aurélie Van Den Daele, au-delà du plateau, l’image tient une place importante. L’équipe en campagne suit son candidat et le traque avec une caméra qui retransmet les images sur écran, jusqu’au fond des coulisses, pour mieux le vendre. La mise en scène suit la courbe électorale, copie conforme à la réalité.

A l’heure où nombre d’entre nous s’estiment floués par les politiques, toutes tendances confondues, de l’air frais ferait du bien. Il n’est pas sûr que l’air vicié de l’arène politique, en arrêt sur image, bouleverse. Ici tout est consommé avant que ne se joue la partie, le sur-jeu du début place les pions sur l’échiquier bien connu du rapport de force et de l’arrogance, avec des personnages-fantoches. La pièce prend une direction intéressante quand la fêlure s’installe chez le candidat Jones (Sidney AliMehelleb) et que le doute commence à l’habiter, quand tombe le masque et que l’acteur-candidat s’écroule, que chacun se révèle. Mais il est tard.

Il n’est pas sûr que la vérité hystérique serve la vérité historique, ni que le cœur d’une organisation politico-médiatique soit, dans son effet miroir, captivante. On sait que la réalité souvent dépasse la fiction, alors, traversons la Manche où nous avons tellement de tribunes en ce moment, sachant qu’il n’y a peut-être plus de fables auxquelles croire, et peut-être plus rien à dire.

Brigitte Rémer, le 21 janvier 2019

Avec Émilie Cazenave, Mary Housego attachée de presse de Georges Jones et Véra Klein vieille militante du parti travailliste – Grégory Corre, Malcolm Pryce, Ministre des finances du cabinet fantôme – Julien Dubuc, cadreur plateau – Grégory Fernandes, Andrew Buchan, aide de Georges Jones – Julie Le Lagadec, Gwenda Aaron, la secrétaire de Georges, Line Franck personnalité médiatique – Trevor Avery, garde du corps de Georges Jones – Alexandre Le Nours, Oliver Dix, conseiller politique Georges Jones – Sidney Ali Mehelleb, Georges Jones – Marie Quiquempois, Lindsay Fontaine, conseillère en publicité/image – Victor Veyron, Bryden Thomas, membre du parti travailliste et Charles kendrick leader du parti travailliste.

Du 8 janvier au 3 février 2019, du mardi au samedi à 20h – le dimanche à 16h – Théâtre de l’Aquarium, La Cartoucherie Route du champ de manœuvre – 75012 Paris. Tél. : 01 43 74 72 74 et 01 43 74 99 61 – www.theatredelaquarium.com – En tournée : 21 mars, La Faïencerie/Creil – 2 et 3 avril, Théâtre Les Îlets/CDN de Montluçon – 5 avril, Fontenay en scènes – 9 au 12 avril, Théâtre de la Croix Rousse à Lyon.